top of page
Parole d'expert

Comprendre la crise

et ses incidences sur les territoires

de la géographie prioritaire

 

Avec ses nombreuses zones d’activité, Vitrolles présente un fort potentiel de développement économique et poursuit l’accueil de grandes entreprises sur son territoire. Les secteurs les plus représentés sur la commune  : les services (transport et logistiqu

Selon Laurent DAVEZIES, les quartiers de la politique de la Ville n'ont pas été les plus touchés par la crise.

 

Laurent DAVEZIES ne se considère pas comme un spécialiste de la Politique de la Ville et des territoires prioritaires. En revanche, ce grand expert du développement économique local, et notamment des politiques financières publiques, s'est souvent intéressé à l’impact des crises récentes sur les territoires. Le CRPV PACA lui avait demandé de focaliser son analyse sur les territoires prioritaires. Ces derniers ont-ils plus souffert de la crise ?

L'INTERVENANT

Laurent DAVEZIES est professeur au CNAM, titulaire de la Chaire économie et développement des territoires.

UNE CRISE GÉNÉRALISÉE MAIS INÉGALE SELON LES TERRITOIRES

Tout le monde le sait, ces dernières années, le monde a été ébranlé par une succession de crises financières sans précédent. Celle de l’automne 2008 d’abord. Connue sous le nom de "crise des subprimes", elle a conduit « l’économie mondiale dans une descente aux enfers d’un an et demi, détruisant des milliers et des milliers d’emplois ». Après quelques mois de répit, elle a été suivie à l'été 2011 par la crise des dettes publiques. « Une crise qui avait été annoncée depuis un petit moment par Christian SAINT-ETIENNE (économiste au CNAM), tel Philippulus dans Tintin et l’étoile mystérieuse » note l’intervenant. Bien entendu, les habitants des quartiers prioritaires n'ont pas été épargnés. Mais pas autant que ce que l'on pourrait le penser. « Dans le contexte actuel, les difficultés les plus prégnantes ne se manifestent pas dans les quartiers visés par la Politique de la Ville, mais plus intensément dans les villages ruraux et les villes moyennes » lance d'emblée l'économiste.

 

A croire que le vocable "quartiers prioritaires" ne soit pas le plus approprié ! En effet, argumente l’intervenant, « un fait nouveau apparaît par rapport aux crises antérieures. Alors qu'elles s’étaient traduites par des "surchocs" au sein des métropoles et des "souschocs" dans les "territoires périphériques", aujourd’hui, c’est le contraire : les métropoles – où les quartiers de la politique de la Ville sont surreprésentés - ont mieux résisté ». Ainsi entre décembre 2007 et décembre 2012, la France a perdu environ 250 000 emplois. Une perte qui, de manière générale, a concerné les espaces ruraux et les petites aires urbaines ; « des zones traditionnellement spécialisées dans la fabrication manufacturière, où la destruction d’emploi a continué et surtout où aucun emploi n’a été créé ». Les zones urbaines, elles, s’étaient tournées depuis un certain temps déjà, vers des activités de service. L’aire urbaine marseillaise - au même titre que celle de Lyon, Toulouse, Rennes, Nantes ou encore le territoire de la Seine-Saint-Denis (emblématique de la politique de la Ville) - est un bon exemple en la matière. « Elle a continué à créer des emplois jusqu’en 2012, en dépit de la crise ».

 

UNE CRISE EST MOINS INTENSE SUR CERTAINS TERRITOIRES PRIORITAIRES

Autre preuve statistique de l’impact relatif de la crise dans les zones urbaines sensibles : la liste des 99 communes françaises que l’économiste a constitué dont plus de 40 % de la population réside en ZUS. « Après analyse de cette liste, à laquelle aucune commune des Bouches-du-Rhône n’appartient, on constate qu’en moyenne, sur la période 2006-2010, la progression du chômage dans ces villes a été beaucoup plus lente que la progression nationale – 3 à 4 fois moins importante ». Cette résistance au chômage est d’autant plus étonnante que ce sont des quartiers où les jeunes sont nombreux – une catégorie de population particulièrement concernée par le chômage ; où les CDI sont majoritaires - 78 % des actifs contre 75 % au niveau national ; et où 81 % des emplois sont à temps complet. Autant de chiffres plutôt positifs alors même que ces populations sont en règle générale peu qualifiées – avec 30 % de non diplômés chez les "plus de 15 ans" contre 20 % au plan national. L’autre caractère frappant mis en avant par Laurent DAVEZIES est la forte propension des populations résidant dans ces quartiers à utiliser les transports en commun pour aller travailler.

 

« Dans le contexte actuel, les difficultés les plus prégnantes ne se manifestent pas dans les quartiers visés par la Politique de la Ville, mais plus intensément dans les villages ruraux et les villes moyennes »

 

Il faut dire que la situation géographique finalement centrale de ces quartiers (par rapport au centre éco-névralgique que constituent les métropoles), limite le rayon de déplacement professionnel de leurs habitants - en moyenne 19 km. « On peut dire qu'ils sont intégrés au marché de l’emploi ». Au final, à la lumière des statistiques, et sans contester le fait que la souffrance sociale reste indéniable, pour M. DAVEZIES, « la situation des populations résidant dans les quartiers de la politique de la Ville n’est pas aussi catastrophique que celle affichée par certains acteurs de ce secteur […] en tous les cas, la crise ne l’a pas dégradée pour la simple et bonne raison que la question des quartiers n’est pas conjoncturelle mais structurelle ».

 

EN FINIR AVEC L'ÉGALITÉ DES TERRITOIRES !

Le paradigme de l’égalité des territoires qui mesure l’efficacité de cette politique en fonction des stocks semble en cause pour l’universitaire. « Plutôt que de s’intéresser aux territoires, les politiques feraient mieux de s’intéresser aux flux de personnes ». Sans s’intéresser de plus près à ce turn-over, en suivant par exemple des « cohortes statistiques d’habitants », les caractéristiques sociodémographiques de ces territoires n’évoluent pas, livrant un constat d’échec tronqué et démotivant. Ainsi « on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière» conclu l'intervenant, empruntant cette métaphore à Héraclite pour dire que les populations des territoires prioritaires sont tellement mobiles (en tous les cas de manière supérieure à la moyenne française) que le concept de l’égalité territoriale est totalement biaisé. « Mieux vaudrait parler "d’égalité par les territoires", car sinon, à force d’être obnubilé par l’égalité territoriale, on finit par oublier l’égalité sociale et le fait qu’un territoire n’est pas le sujet des politiques, mais un instrument qui va être plus ou moins utile ».

 

Au final, à la lumière des statistiques, et sans contester le fait que la souffrance sociale reste indéniable, pour M. DAVEZIES, « la situation des populations résidant dans les quartiers de la politique de la Ville n’est pas aussi catastrophique que celle affichée par certains acteurs de ce secteur […] en tous les cas, la crise ne l’a pas dégradée pour la simple et bonne raison que la question des quartiers n’est pas conjoncturelle mais structurelle ».

ATELIER REGIONAL

CRPV-PACA

 

#19

Compte-rendu

conférence du

14 nov. 2013

Bonus

> Chiffres clefs...

 

Sur les 99 communes dont plus de 40 % de la population vit en ZUS, le chômage a nettement moins progressé (+1,4%) que dans la moyenne nationale (+7,2%)...

> Article en lien

 

Politiques publiques,

le social et le spatial

in Revue Projet

> Ressource à la Une

L. DAVEZIES

présente son ouvrage

"La crise qui vient"

 

> Réactions de la salle

« Concernant les statistiques qui montrent que le niveau de chômage a moins augmenté dans les ZUS, il faut bien voir d'où on part. Le taux de chômage était déjà d'une intensité extraordinaire avant la crise. C'est d'autant plus vrai que si ce chômage est lisible par le biais des statistiques de Pôle Emploi, il y a aussi tous ceux qui ne sont pas inscrits. Et ils sont très nombreux dans ces quartiers. »

Sabine THIBAUD (Cheffe du département Emploi, insertion et développement économique au SGCIV)

 

« A mon sens, vos indicateurs ne sont pas les bons. Sur le terrain, nous constatons le développement du repli identitaire, le développement d'une économie parallèle, la multiplication des impayés dans le logement social...

Ce sont des signes révélateurs de la crise : nous avons de plus en plus de gens qui décrochent plus durement qu'il y a 4 ou 5 ans en arrière. »

Jean-Jacques GRADOS (Directeur Adjoint de l’EPARECA)

 

bottom of page