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Vitrolles : une stratégie de développement économique à l'oeuvre
Vue aérienne de Vitropole avec ses nombreuses zones d’activité,
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Loïc GACHON était heureux de témoigner de l’expérience singulière de la ville dont il est maire : Vitrolles, « une ville nouvelle, passée de 5000 à 35 000 habitants entre les années 1970 et 1990 ». Aujourd’hui, Vitrolles demeure une ville paradoxale dans le sens où elle conjugue deux géographies socio-économiques plutôt opposées.
UNE GÉOGRAPHIE SOCIO-ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE
D’un côté de l’autoroute A7, un tissu économique fort, constitué de zones d’activité mitoyennes, regroupées sous le nom de Vitropole. « Particulièrement bien desservies, les nombreuses entreprises qui y sont implantées recrutent à l'échelle de l'agglomération » précise le maire. Faisant face à cette zone dynamique, de l’autre côté de l'autoroute, la ville
de Vitrolles qui se caractérise par une population jeune (60 % de moins
de 40 ans) appartenant à la « low middle class ». Ici, les entreprises se font plus rares et les 14 000 actifs vitrollais ne parviennent pas toujours à trouver une place parmi les 26 000 emplois que compte la commune – essentiellement sur la zone d’activité. Comme dans de nombreuses villes, les habitants des quartiers prioritaires sont particulièrement touchés par le chômage. C’est le cas du quartier des Pins dont l’état de dégradation était très avancé avant la mise en oeuvre du PRU en 2004.
"TRANSCENDER" LES OUTILS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
Dans ce contexte socio-économique à double vitesse, le volet développement économique des dispositifs de la Politique de la Ville n'a peut-être pas toujours été du niveau souhaité. Un certain retrait entretenu par les acteurs concernés : « ils ont tendance à craindre que ce domaine d’intervention ne les prive d’interlocuteurs dont la grille de lecture serait l’intérêt collectif. Ils ne savent pas comment faire ». Désormais, les choses sont claires, même si intrinsèquement la question économique n'a jamais été absente de sa stratégie d’intervention globale, « il convient de transcender les outils traditionnels de la Politique de la Ville en matière de développement économique ».
Loïc GACHON évoque aussi l’exemple de l’insertion. Selon lui, il ne faut pas s’arrêter à la simple mise en oeuvre d’une charte d’insertion dédiée à la remise en état d’une cage d’escalier. « C’est bien, mais largement insuffisant ». C’est pourquoi, à Vitrolles, l’équipe municipale a fait le choix de mettre en place un dispositif de clause d’insertion plus généralisé, avec la volonté d’inclure des chartes dans une bonne partie des marchés publics BTP de la Ville, « là où ils se trouvent ». Cet élargissement des clauses d’insertion n’est pas que géographique, il s’agit également d’amener des opérateurs privés à les pratiquer. « Nous essayons d’innover pour faire en sorte que l’Insertion par l'activité économique (IAE) ne soit pas réservée aux acteurs institutionnels ou à certains secteurs spécifiques ». Pour ce faire, la Ville s’appuie sur des structures d’insertion intermédiaires capables de dialoguer et d’accompagner les entreprises qui ne savent pas toujours comment faire : « il s’agit notamment de les guider dans le recrutement des bénéficiaires des dispositifs de l’IAE ».
« Les acteurs de la politique de la Ville craignent souvent que ce domaine d'intervention ne les prive d'interlocuteurs dont la grille de lecture serait l'intérêt collectif. Ils ne savent pas comment faire. »
L'IAE fait, plus largement, partie de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) : un des leviers d’intervention prisés par la mairie de Vitrolles. Il s’agit de positionner « ces entreprises d’une autre nature » sur des enjeux qui vont audelà du territoire. « Avoir des perspectives qui dépassent le seul cadre du quartier ». C’est, par exemple, le cas d’un projet de boutique de confection textile (« Toutes les femmes ») que la mairie a aidé à s’installer dans un quartier prioritaire, avec néanmoins l’objectif qu’elle se diversifie sur d’autres services et d’autres marchés, hors-quartier – « notamment des services de conciergerie dédiés aux entreprises de la zone d’activité ».
« L’économie dure » n’est pas pour autant abandonnée : « se priver de ce champ-là signifierait que l’on passe à côté de 99 % des potentialités économiques du territoire. C’est donc en s’impliquant davantage dans ce pan de l’économie que l’on pourra faire évoluer durablement les choses ». Pour intervenir sur l’économie traditionnelle, une condition s’impose aux yeux du maire. Elle rejoint celle déjà pointée sur l’ESS : « changer d’échelle ». A Vitrolles par exemple, « la géographie des quartiers ne permet pas d’aborder cette question, pour la simple et bonne raison que les entreprises y sont très peu présentes ».
L’effort doit donc en premier lieu porter sur la mobilité. « Nous avons affaire à des habitants peu mobiles qui ont tendance à « s’enkyster » dans les quartiers ; notamment les plus jeunes qui franchissent rarement la route, au prétexte qu’ils ne sont pas chez eux de l’autre côté des quatre voies ! ». Par conséquent, il faut connecter les habitants des quartiers prioritaires avec le reste du territoire et en particulier avec les zones d’activité. Pour y parvenir, la Ville s’appuie sur l’amélioration qualitative de l’offre de transport urbain et notamment sur l’aménagement d’un Bus à haut niveau de service pensé à l’échelle du bassin d’emploi entre Marignane et les Pennes Mirabeau. « Un projet qui n’est pas labellisé "politique de la Ville" mais qui s’articule parfaitement avec ses dispositifs ».
La ville souhaite également mettre en place une démarche très offensive en direction des entreprises du territoire, grâce à une association de zone (Vitropole). « Cette fédération doit permettre d'en faire de vrais partenaires de la Ville et des autres acteurs locaux. Et plus largement, que ces dernières se sentent plus concernées par la vie du territoire ». L’émergence de clubs d’entreprises va également dans ce sens. De manière pragmatique, c’est par exemple, organiser un salon de la soustraitance qui se tiendrait dans la ville et pas seulement dans la zone d’activité ; engager un dispositif de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences à l’échelle de la zone d’activité vitrollaise afin de renforcer les relations entre les pouvoirs publics, les entreprises et la population. « De nombreux emplois sont disponibles pour les Vitrollais – notamment ceux résidant en quartiers prioritaires - et malheureusement, ils ne leur profitent pas toujours. Aussi, même s’il n’est pas question qu’ils deviennent prioritaires, il faut qu’au moins ils soient mieux informés ». A l'inverse, il faut prendre conscience que les entreprises ne parviennent pas toujours à trouver chaussure à leur pied : « il arrive que certaines offres ne soient pas pourvues faute de trouver du personnel suffisamment qualifié ». La question de la formation – qui n’est pas une compétence de la Ville – devient alors primordiale.
Une nouvelle preuve que le Développement économique est une question connexe qui, pour être correctement appréhendée, doit bénéficier d'un décloisonnement géographique, thématique et institutionnel. « Il faut sortir de la géographie prioritaire, et même s'affranchir des stricts dispositifs de la politique de la Ville ». C’est, selon Loïc GACHON, la seule manière de faire résonner développement économique, développement social et développement urbain, et ainsi de donner de nouvelles perspectives aux habitants des quartiers.
ATELIER REGIONAL
CRPV-PACA
#19
Compte-rendu
conférence du
14 nov. 2013
Bonus
> Zoom sur...
L'Économie sociale
et solidaire
Le concept d'Économie Sociale et Solidaire (ESS) désigne un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale.
Ces entreprises adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs. Elles encadrent strictement l'utilisation des bénéfices qu'elles réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis. Leurs ressources financières sont généralement en partie publiques.
Fin 2010, en PACA les associations, coopératives, mutuelles et fondations qui composent l'économie sociale et solidaire comptaient près de 13 650 entreprises employeuses, et plus de 17 400 établissements qui emploient près de 162 000 salariés.