top of page
Atelier 1

Le réseau de chambres chez l'habitant développé par la coopérative Hôtel du Nord  participe au développement économique (et culturel) des quartiers Nord de Marseille.

 

L'économie sociale et solidaire

sur les territoires prioritaires

 

L’Économie Sociale et Solidaire (ESS) est largement présente dans les quartiers prioritaires, que ce soit à travers les nombreux dispositifs d’Insertion par l’activité économique (IAE), les activités du secteur associatif ou encore les Régies de quartier. Pour autant, la dynamique qui existait dans les années 80 entre acteurs de la politique de la Ville et de l’ESS pose aujourd’hui question. A l’heure où le ministère de la Ville et celui de l’Économie Sociale et Solidaire signent une convention de partenariat, quel est l’état des relations entre ces acteurs sur nos territoires ? Quelle approche territoriale commune ?

RÉNOVER LES RELATIONS ENTRE ESS ET PV

Tout « Le lien entre l'Économie Sociale et Solidaire et la politique de la Ville est un lien légitime » tient à souligner Bruno LASNIER, directeur de
l’Agence Provençale pour une Économie Alternative et Solidaire (APEAS) - une association créée pour promouvoir et développer l’économie alternative et solidaire en région PACA. Il est vrai qu'à l'origine, la politique de la Ville a même été un dispositif structurant permettant d'accompagner l'émergence d’initiatives solidaires telles que les Régies de quartier, les jardins solidaires, les épiceries sociales et solidaires, les garages sociaux...

 

Pour autant, ces liens ont eu tendance à quelque peu s'effriter au cours du temps, notamment parce que la politique de la Ville pensait les expériences sociales et solidaires comme un état ponctuel - « des démarches censées, à terme, rentrer dans le droit commun, si ce n'est à s'autofinancer » - alors même que cette mutation programmée a souvent été synonyme d'échec pour de nombreux projets.

Autre constat marquant une certaine incompatibilité de l'ESS et de la politique de la Ville : l'éloignement progressif des acteurs de la seconde.

« Alors qu'ils étaient au départ parties prenantes des projets, ils s'en sont, peu à peu, éloignés pour se consacrer à un rôle d'animateur et de gestionnaire ». Les difficultés croissantes des structures pour répondre aux demandes technico-administratives, toujours plus kafkaïennes, traduisant parfaitement ce phénomène.

 

Autre facteur de délitement entre ces deux champs pointé par Bruno LASNIER : « les acteurs de la politique de la Ville ont eu tendance à réduire l'action de l'ESS à sa dimension sociale, et notamment à la lutte contre la précarité ». C'est ainsi que plusieurs projets de l'ESS n'ont plus émargé aux financements des CUCS au prétexte qu'ils ne s'adressaient pas à des publics en difficulté. Or « avant d'être une politique de réparation, l'ESS est avant tout, une autre façon de faire de l'économie ».
Il n'en reste pas moins que dans le contexte de crise économique, sociale et environnementale, il existe aujourd'hui de vrais enjeux à repenser une stratégie commune entre ces deux champs. Le réveil de "la citoyenneté économique" est l'un de ces enjeux : « les habitants des quartiers doivent cesser de penser qu'ils n'ont qu'une alternative entre l'assistanat et la débrouille ». Plus largement, il est nécessaire de retisser une activité économique sur ces territoires grâce à l'activité solidaire - « il faut surtout que les politiques publiques arrêtent de tout centrer sur la question de l'emploi. La création de l'activité doit être prioritaire ».

 

Enfin, les deux champs ont tout intérêt à créer des espaces d'expérimentations qui permettraient de travailler sur le long terme à l'émergence pérenne de nouvelles activités sur ces territoires-là.


FAIRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE AUTREMENT !
Créée en janvier 2011, dans la droite ligne d’un processus patrimonial  initié en 1995, Hôtel du Nord est une coopérative d’habitants des quartiers Nord de Marseille. S'appuyant sur les principes de la Convention Européenne de Faro, son objet social est de valoriser le patrimoine présent dans cinq arrondissements de Marseille et dans Vitrolles pour le conserver "en vie", mais aussi améliorer le quotidien de ceux et celles qui y habitent et y travaillent. Résolument tourné vers le développement culturel, mais aussi économique, Hôtel du nord s'est positionné sur le champ du tourisme-urbain - « dans des quartiers où une telle activité pouvait surprendre » ajoute Nathalie CAZALS, gestionnaire de la coopérative.


Outre l'édition et la vente d'ouvrages sur le patrimoine local, la coopérative a développé un réseau de chambres chez l’habitant. « Nous
mettons directement en relation l’accueillant et l’accueilli ». L’économie générée par les réservations de chambres bénéficie directement aux habitants après la restitution d'un faible pourcentage à la coopérative. Hôtel du Nord propose également la vente de produits de quelques-uns de ses 41 sociétaires ; tels que les savons de Marseille ou encore du miel.
Pour cette activité, et de manière générale d'ailleurs, la structure de l'ESS obéit à un principe simple : « on vend ce que l’on produit, on produit ce que l’on vend, dans le but de faire profiter au maximum les habitants qui vivent dans ces quartiers » explique l'intervenante. Enfin, la coopérative organise un concept de balades conçues par et avec les habitants. Ainsi en 2013, ce sont 64 balades qui ont été programmées par une trentaine d'habitants pour près de 1200 personnes qui sont venues découvrir la capitale européenne de la culture d'une autre manière.

 

Et la politique de la Ville dans tout cela ? Bien que le territoire d'intervention soit évidemment un incontestable dénominateur commun, la coopérative ne reçoit, pour le moment, aucune aide financière de la part du CUCS. « Nous verrons bien quelles seront les nouvelles orientations de la politique de la Ville ».


ESS ET POLITIQUE DE LA VILLE : AMOUR DÉCHU ?
Pour Yannick BARBEAU, "l'autonomie" d'Hôtel du Nord est symptomatique de l'éloignement progressif de l'ESS et de la politique de la Ville. Par-delà les problèmes propres à l'ESS - et notamment le fait que de nombreux acteurs se désengagent ou demandent aux acteurs de l'ESS de passer sur un modèle de plus en plus marchand - c'est le modus operandi de la politique de la Ville qui pose problème. « Depuis 10 ans, cette politique a tendance à se déconstruire par l'éclatement du cadre
global : les principes de contractualisation unique, de mutualisation des moyens et de transversalité sont de plus en plus souvent mis à mal.

 

Désormais les équipes opérationnelles sont de moins en moins dans l'accompagnement : elles se contentent de constater l'émergence de "choses à côté" qui lorsqu'elles sont construites intelligemment peuvent se rapprocher de la politique de la Ville et dans le cas contraire fonctionnent dans leur coin ». A moins que ce ne soit un problème de gouvernance et de coopération territoriale. Comment sortir d'une logique descendante où chaque acteur engage des moyens au regard
de ses objectifs, et comment organiser une stratégie territoriale et thématique cohérente ?

 

La communauté d'agglomération d'Arles a fait son choix en la matière : dès sa création en 2004, elle a adopté l'intégralité de la compétence
"politique de la Ville". De fait, il n'y a pas de scission entre développement économique et politique de la Ville. Les passerelles sont ainsi naturelles entre ces deux champs. « Aujourd'hui, la responsable du Contrat d'économie solidaire doit faire partie de l'équipe opérationnelle de la politique de la Ville. Au même titre que l'animatrice de l'ASV et du chargé de mission CLSPD ».

ATELIER REGIONAL

CRPV-PACA

 

#19

Compte-rendu

conférence du

14 nov. 2013

Bonus

Le ministre délégué à la Ville et le ministre délégué à l’Économie Sociale et Solidaire et à la consommation ont signé, le 27 septembre 2013, une convention d’objectifs pour les quartiers prioritaires.

 

Cette convention repose sur 4 priorités :
> améliorer la connaissance de l’ESS pour agir plus efficacement ;
> créer de l’activité dans les quartiers par un « choc coopératif » et par le développement de clauses d’insertion ;
> soutenir l’accès des jeunes des quartiers aux emplois de l’ESS ;
> développer l’entrepreneuriat social et l’innovation sociale dans les quartiers.


L’objet de cette convention est de renforcer et de formaliser les convergences qui existent entre les quartiers et l’ESS. En effet, cette dernière est particulièrement représentée
dans les quartiers prioritaires : une structure d’insertion par l’activité économique sur cinq serait implantée dans les
quartiers et un salarié en insertion sur trois y résiderait. De plus, l’ESS peut être une
réponse adaptée aux attentes des habitants du fait de son organisation et son ancrage
territorial.

> Zoom sur...

Nouvelle convention

entre l'ESS et la PV

> Réactions de la salle

« Il y a une forte pression sur les structures de l'ESS pour qu'elles s'ancrent sur le marché, qu'elles trouvent leur modèle économique
pour pouvoir se réaliser en dehors du financement public. De notre côté, nous rappelons que l'ESS répond à des besoins non couverts
sur les territoires et que c'est en ce sens qu'elle s'inscrit dans une hybridation des ressources où il est normal que les pouvoirs publics financent la partie "intérêt général" des initiatives. Il faut absolument rééquilibrer le lien entre activité marchande et solidarité. »
Un participant


« Je suis un ancien de l'ESS. [...] Il faut se rendre compte que les modalités administratives et techniques sont de plus en plus complexes.
C'est plus simple aujourd'hui de travailler en dehors des financements [publics] parce qu'on n'a pas la charge de cette partie complexe de l'administration. Vous n'avez qu'à voir un tableau FSE ! [D'ailleurs] les chefs de projet [politique de la Ville] sont passés de la fonction de conseil, à la fonction de contrôle. [...] Quand j'ai quitté la Régie de quartier 13-14, il y a 10 ans, elle comptait 400
salariés, aujourd'hui, elle doit en avoir 20 ou 30 ! Parce que ce n'est plus possible d'avoir des structures aussi lourdes. Avant, on pouvait avoir 400 salariés parce qu'il y avait des partenaires qui aidaient.

Aujourd'hui, gérer 400 salariés dans l'insertion, c'est impossible. »
Un participant


« Il y a une donnée nouvelle qu'il faut prendre en compte, c'est la notion de "marché". Lorsque, il y a quelques années, j'ai monté une Régie, certains partenaires avaient décidé de "réserver" certains
créneaux de leurs marchés à des structures d'insertion. Aujourd'hui, c'est plus difficile. On est sur un champ concurrentiel et on se trouve effectivement dans une "injonction paradoxale" : on nous demande de créer du développement solidaire et en même temps, il faut qu'on respecte toutes les règles du marché. Nous sommes des êtres hybrides. »
 

Une participante

« Il y a du côté des politiques publiques, un recours de plus en plus fort à l'appel d'offre, alors qu'il existe d'autres solutions telles que la subvention, l'appel à projet... Il y a d'autres façons de contractualiser avec des acteurs du territoire. »
Un participant

 

bottom of page