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EN PRÉAMBULE
ZOOM SUR LE CONTEXTE
DU LOGEMENT EN FRANCE.
par Marie-Christine Jaillet et Fabrice Escaffre, Université Toulouse Jean Jaurès, LISST-CIEU
Il est communément admis que la situation du logement connaît en France une situation de « crise » multiforme : aux situations d'exclusion du logement qui ont justifié la mise en œuvre de politiques de droit au logement, s'ajoutent les situations de mal logement dénoncées chaque année par le rapport de la Fondation Abbé Pierre ou mises en lumière par les médias : incendies à répétition d'immeubles parisiens abritant dans des conditions d'inconfort, d'insécurité des familles nombreuses, logements d’une surface inférieure à 10m2 proposés à Paris à la location, transformation de campings en logements... Mais les difficultés de logement ne touchent pas seulement les plus fragiles ou les plus pauvres et elles ne s'expliquent pas seulement par un déficit de logements sociaux. D'autres catégories de français, jeunes ménages en début de trajectoire résidentielle et de vie professionnelle, salariés modestes ou aux revenus insécures ont du mal à trouver un logement adapté à leurs besoins et à leurs ressources.
IL SEMBLE BIEN QUE CE SOIT L'ENSEMBLE DE LA "CHAÎNE" DU LOGEMENT QUI SOIT AFFECTÉ PAR CETTE CRISE, ABOUTISSANT À DES SITUATIONS DE BLOCAGE...
Les logements sont devenus plus chers et les exigences des propriétaires se sont durcies.Devant le surenchérissement des logements, nombre de ménages renoncent à améliorer leurs conditions d'habitat et à accéder à la propriété, même si ce projet reste toujours très largement partagé. Il semble bien que ce soit l’ensemble de la « chaîne » du logement qui soit affecté par cette crise, aboutissant à des situations de blocage : retard à la décohabitation, engorgement des foyers et structures d'hébergement, baisse du taux de rotation dans le parc HLM... Plutôt que d'une simple pénurie de logements, ne s'agit-il pas plus largement d'un désajustement entre les caractéristiques de l’offre et celle des besoins qui n'a pas été anticipée et que la «financiarisation du logement» a accentué.Face à cette situation, il semble bien que les politiques publiques peinent à trouver des solutions adaptées capables de mettre à disposition de chacun un logement correspondant à ses besoins et ses ressources. Il est vrai que la définition et la mise en œuvre des politiques du logement se sont complexifiées : avec la décentralisation, les collectivités locales sont appelées à y jouer un rôle de plus en plus important ; les habitants ne se laissent plus « imposer » la construction de logements ou d’équipements, ils veulent avoir leur mot à dire quand il s’agit de transformer leur environnement quotidien ou de l’aménager. Dès lors, comment passer d’une politique nationale à des politiques locales adaptées à des contextes socio-économiques qui se sont diversifiés sans perdre de vue l’obligation, sinon d’une égalité de traitement, du moins d’une équité de traitement ? Comment conjuguer « intérêt général » et revendication des habitants à être associés à la définition de leur cadre de vie ?
PLUTÔT QUE D'UNE SIMPLE PÉNURIE DE LOGEMENTS, NE S'AGIT-IL PAS PLUS LARGEMENT D'UN DÉSAJUSTEMENT ENTRE LES CARACTÉRISTIQUES DE L'OFFRE ET CELLE DES BESOINS QUI N'A PAS ÉTÉ ANTICIPÉE ET QUE LA "FINANCIARISATION DU LOGEMENT" A ACCENTUÉ.
Pour tenter de décrypter les différentes facettes de cette crise, il convient de mobiliser divers registres :
• le premier tient à l'économie du logement : le logement est devenu tout autant qu'un bien d'usage, un produit financier ;
• le second tient à la transformation des structures socio-démographiques : l'augmentation de la divortialité, des séparations, la recomposition des familles, l'allongement de la durée de vie ont des incidences sur la demande de logements, en nombre et en type, comme sur les trajectoires résidentielles ;
• le troisième tient aux bouleversements sociaux induits par les transformations de l’économie : qu’ils relèvent des conditions de vie des ménages : précarisation des revenus, insécurisation des parcours de vie, nécessité d’une plus grande mobilité géographique ou qu’ils relèvent des équilibres territoriaux : effets des processus de métropolisation, glissement du dynamisme et de l’attractivité des régions du nord et de l'est vers celles du grand sud ;
• enfin, sans épuiser le champ de l'analyse, le quatrième tient à la remise en question des modèles qui ont structuré le champ des politiques du logement et de l’habitat : parcours résidentiel ascendant, promotion de l’accession, « modèle » jacobin d’intervention...
Mais les temps de « crise » sont aussi des temps de « métamorphose » où s’expérimentent à bas bruits de nouvelles réponses, où s’aménagent ou se reconfigurent les parcours, les attentes, voire les processus de production... Ne peut-on détecter dans ce foisonnement de quoi « refonder » une politique du logement et de l’habitat adaptée à une société radicalement différente de celle des « Trente Glorieuses », ce qui suppose que l’on en finisse avec la nostalgie d’un retour à une ère où progrès économique et progrès social étaient mieux articulés, ce qui suppose également que l’on reconnaisse que les bricolages successifs auxquels se sont livrés les politiques du logement depuis plus de 30 ans ne suffiront pas à faire face aux enjeux. N’est-on pas parvenu au terme d’un cycle ?
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