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Intervention

Identifier les typologies :

l'exemple des écoles et des mairies

en Haute-Garonne

Marielle Gesta et Marie-Hélène de Lavaissière,

chargées d’études au CAUE de la Haute-Garonne

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Particulièrement nombreuses et extrêmement diversifiées en taille et en qualité, les églises et les mairies de Haute-Garonne construites entre 1945 et 1975 ont fait l’objet d’une étude particulière de la part du CAUE 31. Son objectif : repérer pour mieux connaître et sensibiliser les élus sur la richesse patrimoniale de ces édifices publics hautement symboliques.

 

L’explosion de « la trame scolaire »…

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’essor démographique et l’exode rural, conjugués aux destructions massives du conflit, conduisent au déploiement d’une politique de reconstruction sans précédent. Tous les domaines sont concernés : le parc de logements, les infrastructures routières, l’appareil industriel… mais aussi les écoles, où il s’agit de surcroît de répondre à « une explosion scolaire » démultipliée par la démocratisation de l’enseignement. Entre 1952 et 1970, ce sont ainsi quatre plans d’équipement scolaire qui seront programmés tous les quatre ans par l’État. Dans cette planification effrénée où tout est calculé et optimisé, une caractéristique architecturale s’impose pour la (re)construction des écoles : l’utilisation (officialisée par décret) d’une trame de 1,75 m, qui au final se traduira par des classes de 61,25 m2.

 

Si la superficie des classes est en tout lieu identique, les formes architecturales, elles, différent quelque peu selon les communes. C’est ainsi que la plupart du temps, dans les chef-lieu de canton, ce  sont des écoles parallélépipédiques sur deux niveaux qui seront construites. Dans des villes de moindre importance, si « le bloc simpliste » gardera également la faveur des architectes, on préférera des bâtiments en forme de U de plain pied. Signe distinctif commun : le couloir situé au nord qui court tout le long du bâtiment permettant d’éclairer les classes en second jour, en plus de l’éclairage direct côté sud. Autre point commun de ces créations : les techniques constructives. Elles sont assez semblables d’un établissement à un autre : ainsi retrouve-t-on partout la même structure béton (poteaux-poutres), avec quelques fois la présence de murs-pignon en fibrociment (amianté). Dans un souci d’économie, les toitures sont de faible pente, avec le plus souvent une seule inclinaison orientée au nord. Si le traitement des façades en béton armé est généralement très simple (enduit ciment), dans certains cas, elles sont un peu plus soignées car recouvertes de parement en briques. Dans le reste des cas, les seuls éléments décoratifs sont des appareillages en moellons de pierre ou des galets apposés pour singulariser certains pignons ou soubassements de mur. Avec la mise en place, à partir de 1951, du dispositif 1% artistique, il faut toutefois noter, à l’intérieur de certains établissements scolaires, la présence d’œuvres d’art (sculptures, mosaïques…) qui ne sont toutefois pas toujours bien mises en valeur et surtout souvent mal entretenues.

 

A partir de 1973, une directive ministérielle va demander d’adapter l’architecture des écoles aux nouvelles prescriptions architecturales de l’époque : si les formes restent encore parallélépipédiques - avec désormais des toits terrasses qui remplacent les toits en éverite – les constructions font plus souvent appel à des techniques industrielles, avec notamment la systématisation des éléments de façade en béton armé, livrés pré-assemblés. Fortement suivies dans les villes nouvelles franciliennes, en Midi-Pyrénées, la mise en oeuvre de ces consignes sera plus tardive et surtout moins systématique. Autre spécificité régionale, en Haute-Garonne notamment, les maîtres d’ouvrage privilégieront dès que possible les opérations de rénovation aux constructions ad hoc. Une stratégie plutôt pertinente puisque parfaitement adaptée à la forme des bâtiments d’origine, dont la simplicité facilite les extensions.

 

L'école de Portet-sur-Garonne

L'école de Portet-sur-Garonne

Une organisation rationnelle et répétitive

L'école de Bouloc

L'école de Bouloc

Une école rurale à deux classes avec une classe des filles et une classe des garçons bien identifiées par l’inscription sur la façade.

L'école de Le Vaux

L'école de Le Vaux

Les classes sont éclairées en second jour par le large couloir qui longe le bâtiment.

L'école de Boulogne-sur-Gesse

L'école de Boulogne-sur-Gesse

Principe d'allège vitrée, à l'intérieur des classes.

L'école de Boulogne-sur-Gesse

L'école de Boulogne-sur-Gesse

Façade sud largement ouverte sur la cour. La trame est bien visible. Parement de briques sur les côtés.

L'école de Le Vaux

L'école de Le Vaux

Le préau sépare les classes de la cantine.

Circulaire de 1952

Circulaire de 1952

Le premier plan de l’équipement scolaire recommande une trame orthogonale de 1,75 m de côté pour la composition architectonique de tous les locaux. En conséquence une classe (40 élèves) a pour superficie : 4 x 5 modules de 1,75 m = 61,25 m2

L'école de Villaudric

L'école de Villaudric

Plan de l'école construite en 1952.

exemple de création artistique

exemple de création artistique

A partir de 1951, c'est le début du 1% artistique. Mosaïques, sculptures… accompagnent les projets.

Les mairies d’après-guerre : entre monumentalité et fonctionnalisme

À l’instar des écoles, le patrimoine des mairies constitué durant la période 1945-1975 est également très riche. Sa typologie est dominée par deux modèles architecturaux développés au cours de deux cycles distincts.

 

Entre 1945 et 1958, la France des mairies voit prospérer le modèle fonctionnaliste, moderne et monumental qui avait été largement plébiscité dans les années trente par les communes socialistes des banlieues parisienne (mairie de Boulogne-Billancourt construite par Tony Garnier) et lyonnaise (cf. photo mairie de Villeurbanne). Bien que présenté comme l’un des attributs de cette période, le caractère fonctionnaliste reste toutefois modéré. Les espaces de l’hôtel de ville se partagent alors en deux : d’un côté les espaces de réception et de l’autre les locaux ouverts au public. Malgré tout, ce « traitement spatial » constitue une évolution importante comparée à ce qu’était la mairie de la IIIème République : une pièce au sein de l’école-mairie !

La modernité est également partielle : ce sont en effet des édifices qui intègrent des matières nouvelles (essentiellement le béton) et font appel à quelques procédés industriels (tels que les briques industrielles et les menuiseries métalliques), mais qui n’abandonnent pas pour autant des techniques et des matériaux plus traditionnels, notamment en maçonnerie.

En revanche, la monumentalité n’est pas usurpée : ces mairies d’un nouveau genre expriment la puissance de l’élu local par rapport à l’État, et ce par l’intermédiaire d’éléments de décor imposants - tels que le péron, le porche, la colonnade… Autre élément symbolique qui fleurit à cette époque : l’apparition des horloges sur les façades des mairies. Évidemment, la monumentalité varie selon la taille des communes : c’est ainsi que dans les plus petites communes, la mairie reste regrouper avec un ou plusieurs équipements publics (mairie-foyer, mairie-perception voire mairie-pharmacie).

De manière assez générale, le concept architectural de cette génération de mairies, habituellement implantées à proximité du centre urbain, cristallise dans la hiérarchie des façades : à l’avant, elles sont particulièrement bien soignées, alors qu’à l’arrière, elles sont esthétiquement et fonctionnellement négligées. Outre ce déséquilibre flagrant, la verticalité induite par le caractère monumental de nombreux édifices va souvent de pair avec une certaine inaccessibilité – les escaliers sont alors très nombreux. À un autre niveau, la mise en œuvre parfois imparfaite de l’époque laisse apparaître, au bout de quelques années, des défauts parfois responsables de graves pathologies. C’est ainsi que le mauvais enrobage des armatures béton ou l’incompatibilité de certains matériaux les uns avec les autres peuvent, quelques années plus tard, mettre en péril la solidité de certains édifices. D’autres fois, c’est un mauvais entretien qui crée les désordres ; cas classiques, on ne démousse pas les toitures ou on ne nettoie pas les façades. 

 

A compter de 1958, avec l’avènement de la cinquième République et l’instauration de la politique de planification, les mairies changent quelque peu de modèle. L’État gaulliste reprend la main et impose ses vues architecturales aux communes. La construction de l’ensemble des équipements publics va alors reposer sur un modèle plus banalisé : horizontal et tramé, on parle de « modèle fonctionnaliste ». La monumentalité est dorénavant laissée de côté et les maîtres d’ouvrage n’ont plus le choix qu’entre la mairie bloc (exemple de la mairie de Roques-sur-Garonne) et la mairie à patio (exemple de la mairie de Pinsaguel).

Dans cette nouvelle vague, les édifices peuvent se retrouver un peu plus excentrés et même devenir le nouveau pôle d’équilibre des quartiers qui se développent dans de nombreuses municipalités. Comme la génération précédente, ces équipements comptent des qualités mais aussi des défauts. Par rapport à l’usage, l’horizontalité a l’avantage de rendre ces lieux beaucoup plus accessibles. En revanche leur banalité fait qu’on les repère plus difficilement : il n’est pas rare que la mairie soit confondue avec La Poste ou le commissariat ! Autre point négatif, l’instauration de la trame minimise la prise en compte de l’environnement avec une orientation tout azimut. Pour ce qui est des techniques constructives, les produits et les systèmes industriels sont devenus presque systématiques : la trame est réalisée à partir d’ossature poteaux-poutres béton (du moins en Haute-Garonne) donnant lieu à une écriture architecturale plutôt sobre, souvent surlignée par des acrotères imposantes. Heureusement, de temps à autres, on cherche à égayer ces bâtiments avec la pose de panneaux industriels en allège colorés ou avec l’utilisation d’un béton texturé (gendarmerie de Villefranche-de-Lauragais). Les pathologies se portent essentiellement sur les éléments de couverture (toit terrasse), dont la mauvaise qualité est encore liée à l’association de matériaux incompatibles, mais surtout par la faute d’un savoir-faire encore balbutiant.

Mairie de Villeurbane (Rhône-Alpes)

Mairie de Villeurbane (Rhône-Alpes)

Modèle du style fonctionnel, moderne et monumental prisé au lendemain de la guerre.

Mairie de Lespinasse (31)

Mairie de Lespinasse (31)

La modernité à la sauce locale...

Mairie de La Masquère (31)

Mairie de La Masquère (31)

Utilisation des matériaux locaux : maçonneries ou parement de briques, de galets, de pierres...

Mairie de Boussens (31)

Mairie de Boussens (31)

Implantées au plus proche du « centre historique» du village, les mairies de la période 1945-1958 se doivent de disposer d’un vaste espace public d’accompagnement.

Mairie de Sana (31)

Mairie de Sana (31)

Un modèle du fonctionnalisme plus banal à partir de la période 1958-­70.

Mairie de Roques-sur-Garonne (31)

Mairie de Roques-sur-Garonne (31)

À partir de la fin des années 50, les mairies restent fonctionnelles mais perdent de leur monumentalité. La mairie bloc est un des modèles prisés

Mairie de Pinsaguel (31)

Mairie de Pinsaguel (31)

La mairie Patio est l'une des autres formes simples prisées à partir des années 60.

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